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Comment la diversification des cultures peut renforcer la rentabilité des exploitations agricoles

28 mars 2025

Les limites de la monoculture : un modèle en déclin

Pendant des décennies, la monoculture a été encouragée : produire sur une large échelle une seule variété, souvent destinée aux grandes industries agroalimentaires. Si ce modèle offre des économies d’échelle et une mécanisation simplifiée, il présente aussi des vulnérabilités importantes :

  • Appauvrissement des sols : la culture répétée d’une seule espèce épuise les nutriments spécifiques du sol, augmentant la dépendance aux engrais chimiques.
  • Fragilité face aux ravageurs : les monocultures attirent certains insectes ou maladies qui trouvent un environnement idéal pour se propager rapidement.
  • Impacts économiques : la spécialisation pousse parfois les exploitants vers une dépendance aux marchés volatils ou aux subventions publiques.

Face à ces problèmes, la diversification des cultures se présente comme une alternative prometteuse.

Qu’est-ce que la diversification des cultures ?

La diversification des cultures consiste à mélanger plusieurs espèces végétales sur une même parcelle ou au sein d’une exploitation. Les associations peuvent se faire de manière simultanée (sur une même année) ou successive (dans le cadre de la rotation des cultures). Cette pratique s’appuie sur des systèmes d’interactions biologiques qui reproduisent les dynamiques des écosystèmes naturels.

Par exemple, associer des légumineuses (comme le trèfle ou la luzerne), qui fixent l’azote dans le sol, avec des céréales peut limiter l’utilisation d’engrais azotés. Dans des jardins maraîchers intensifs, on retrouve souvent l’association entre poireaux et carottes : ces légumes se protègent mutuellement des parasites (respectivement la mouche du poireau et la mouche de la carotte).

Les avantages économiques de la diversification

La diversification des cultures génère des bénéfices économiques qui peuvent transformer la rentabilité d’une exploitation agricole :

  • Réduction des intrants : grâce à une meilleure gestion de la fertilité des sols et à une réduction des nuisibles, les dépenses en engrais chimiques et en pesticides chutent. Selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), les exploitations diversifiées peuvent réduire leurs coûts d’intrants jusqu’à 30 %.
  • Valorisation de nouveaux marchés : produire une variété de cultures permet d’accéder à différents débouchés (marchés locaux, circuits courts ou filières bio), et ainsi de limiter la dépendance à une seule filière.
  • Meilleure résilience économique : diversifier ses cultures réduit le risque financier : en cas d’échec d’une récolte (du fait des conditions climatiques ou des fluctuations des prix), les autres cultures garantissent un revenu complémentaire.

À titre d’exemple, une étude menée en France sur des exploitations maraîchères diversifiées a montré que leurs marges brutes peuvent être supérieures de 20 à 40 % par rapport à des systèmes monoculturaux équivalents.

Des bénéfices agronomiques et écologiques indéniables

Au-delà des aspects financiers, la diversification a des impacts très positifs sur les écosystèmes agricoles :

Amélioration de la fertilité des sols

Les rotations et associations de cultures permettent de maintenir ou d’augmenter le carbone organique du sol. Certains mélanges, comme les cultures intercalaires avec des plantes légumineuses, enrichissent les sols naturellement en azote.

Diminution de l’usage des pesticides

Les interactions entre cultures diversifiées limitent le développement des maladies et des ravageurs. Par exemple, le colza associé à des légumineuses couvre le sol de manière plus uniforme et diminue l’émergence des adventices (mauvaises herbes), réduisant ainsi le besoin de désherbants chimiques.

Augmentation de la biodiversité

Introduire des espèces variées favorise non seulement la diversité des plantes, mais aussi celle des insectes pollinisateurs, des vers de terre et d’autres micro-organismes essentiels à la santé des sols. Une parcelle diversifiée est un véritable écosystème en équilibre.

Les défis à surmonter pour une transition réussie

Si la diversification des cultures présente des avantages majeurs, elle ne se fait pas sans défis :

  • Connaissances techniques : maîtriser les associations compatibles, planifier les rotations ou évaluer les besoins spécifiques des différentes cultures demande un apprentissage important.
  • Adaptation du matériel : les machines utilisées en monoculture (comme les semoirs ou les moissonneuses-batteuses) ne sont pas toujours adaptées aux exploitations diversifiées. Cela peut nécessiter des investissements coûteux ou un recours à des outils partagés.
  • Main-d'œuvre : gérer des cultures variées peut être plus chronophage qu’une culture unique, d’autant plus dans les systèmes maraîchers ou fruitiers.

Heureusement, de nombreux réseaux de formation se développent pour accompagner les agriculteurs dans cette transition. Des initiatives locales, comme le réseau des agriculteurs de demain, favorisent l’échange d’expériences et la montée en compétences.

De la théorie à la pratique : un exemple inspirant

À titre d’illustration, je voudrais évoquer le cas d’un agriculteur partenaire ici en Dordogne, Jacques, qui est passé de la monoculture de blé à un système de polyculture associant céréales, légumineuses et petits fruits. En intégrant des haies agroforestières sur ses parcelles et en diversifiant ses rotations, il a réduit ses besoins en fertilisants de 40 % et a multiplié les sources de revenus. Aujourd’hui, en plus de vendre ses récoltes de blé et de pois chiches, il commercialise du jus de petits fruits transformés localement. Son exploitation est non seulement rentable, mais aussi un modèle résilient face aux sécheresses récurrentes dans la région.

La diversification, stratégie d’avenir

En réponse aux défis économiques et climatiques des années à venir, la diversification des cultures s’impose comme une solution concrète et accessible pour transformer les modèles agricoles. En reproduisant les mécanismes de la nature, cette pratique renforce la santé des sols, réduit les intrants chimiques et diversifie les sources de revenus. Si elle demande une phase d’adaptation, les bénéfices, à court et long terme, justifient pleinement cet effort.

Améliorer la résilience et la rentabilité des exploitations agricoles tout en respectant la nature : voilà une ambition qu’il nous faut poursuivre avec conviction et créativité. Et si c’était là une étape clé pour réconcilier agriculture et biodiversité ?

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