Comment favoriser la biodiversité fonctionnelle sur son exploitation agricole ?
23 mars 2025
Comprendre la biodiversité fonctionnelle
La biodiversité fonctionnelle désigne les organismes vivants présents sur une exploitation qui remplissent des fonctions écologiques bénéfiques pour celle-ci. Contrairement à la biodiversité globale (qui fait référence à la diversité des espèces simplement pour leur présence), ici, nous parlons spécifiquement des interactions utiles : pollinisation, lutte biologique contre les ravageurs, recyclage des nutriments, amélioration de la structure des sols, etc.
Il s'agit non seulement de favoriser la richesse en espèces, mais également d'encourager leur rôle actif dans les écosystèmes agricoles. Par exemple :
- Les abeilles et autres insectes pollinisateurs améliorent le rendement des cultures fruitières.
- Les carabes (coléoptères) consomment les larves nuisibles aux cultures.
- Les mycorhizes, champignons symbiotiques, augmentent l'absorption des nutriments par les racines des plantes.
Encourager cette biodiversité fonctionnelle, c'est donc s'appuyer sur les systèmes naturels pour réduire l'utilisation de fertilisants chimiques, de pesticides et stabiliser les écosystèmes de votre exploitation.
Diagnostiquer la biodiversité de son exploitation
Afin de poser les bases d’une stratégie pour favoriser cette biodiversité, commencez par évaluer vos ressources actuelles. Prenez le temps d’observer et d’analyser votre exploitation :
- Quels sont les auxiliaires (oiseaux, insectes, mammifères, bactéries) déjà présents sur vos terres ?
- Y a-t-il des corridors écologiques naturels, tels que des haies ou des bandes enherbées, qui permettent la circulation de la faune ?
- Quels sont les ravageurs ou maladies récurrents, et comment interviennent-ils dans votre cycle de production ?
L’observation est clé. Vous pouvez vous appuyer sur des outils comme des pièges à insectes, ou encore collaborer avec des experts locaux en biodiversité pour un diagnostic pointu.
5 pratiques pour augmenter la biodiversité fonctionnelle
Une fois votre état des lieux réalisé, vous pouvez vous lancer dans l’amélioration de cet ensemble vivant. Voici quelques leviers concrets à activer :
1. Introduire et entretenir des infrastructures agroécologiques
Les haies champêtres, bandes refuges ou bandes fleuries, mares et bosquets sont des zones clés où vivent et se reproduisent les auxiliaires. Une haie comportant des essences variées (comme le noisetier, le prunellier ou le sureau) permet aussi de fournir des abris à différents types d’espèces tout en limitant l'érosion des sols et en captant le carbone atmosphérique.
Astuce : pensez aux essences locales et mellifères, qui soutiennent les pollinisateurs. Selon l’INRAE, une haie de 100 mètres linéaires peut héberger jusqu’à 120 espèces d’insectes différents, rien que pour la pollinisation.
2. Pratiquer la diversité culturale
Les cultures systématiquement uniformes attirent des ravageurs spécifiques et appauvrissent les sols. Alternez les espèces cultivées en fonction des saisons avec des rotations adaptées. Associez complémentarités : par exemple, le trèfle en intercalaire enrichit les cultures en azote et protège la terre d’une exposition abusive au soleil.
3. Intégrer les arbres dans vos systèmes agricoles
L'agroforesterie, que je pratique ici en Dordogne, est un moyen puissant d'améliorer la biodiversité fonctionnelle. Les arbres accueillent les oiseaux insectivores, qui éliminent naturellement certains ravageurs, tout en jouant un rôle de brise-vent pour vos cultures. De plus, leurs racines soutiennent l'architecture du sol et favorisent la symbiose avec les mycorhizes.
Un exemple frappant : des études menées en Occitanie montrent que les vergers en agroforesterie attirent 35 % de pollinisateurs en plus que des cultures fruitières isolées.
4. Adapter vos méthodes de travail du sol
Un sol vivant est indispensable pour vos cultures et pour héberger une microfaune utile. Limitez le travail mécanique intensif, qui détruit l’habitat de nombreuses espèces. À la place, maintenez le couvert végétal autant que possible. Le semis direct sous couvert végétal, par exemple, protège les vers de terre, les champignons et les bactéries qui participent à recycler la matière organique.
5. Réduire les intrants chimiques
Les pesticides et herbicides réduisent non seulement les nuisibles mais détruisent aussi vos auxiliaires. En diminuant l’usage de ces substances, voire en adoptant la lutte biologique, vous préservez les espèces bénéfiques.
La Chambre d'agriculture d’Aquitaine a estimé qu’une réduction de 40 % des herbicides favorise une réapparition progressive d’insectes et d’oiseaux à court terme.
Les indices mesurables de succès
Favoriser la biodiversité fonctionnelle, c’est aussi suivre son évolution pour vérifier l’efficacité des actions entreprises. Voici quelques exemples d’indicateurs à surveiller :
- Augmentation de la présence d’insectes pollinisateurs (mesurez avec des comptes sur plusieurs parcelles).
- Amélioration de la structure des sols : plus de matière organique, meilleure infiltration d’eau.
- Réductions des attaques de ravageurs grâce à la prédation naturelle (par exemple, une baisse notable de pucerons grâce aux coccinelles).
- Observation de nouvelles espèces d’oiseaux, de mammifères ou d’autres auxiliaires sur votre terrain.
Biodiversité fonctionnelle et résilience économique
Si les bénéfices environnementaux sont plus souvent cités, il est essentiel de montrer aussi l’impact économique positif. Les exploitations agricoles qui adoptent ces pratiques gagnent en résilience et en productivité sur le long terme :
- Des cultures mieux pollinisées génèrent des rendements supérieurs : selon l’IPBES, les insectes pollinisateurs seraient responsables de 35 % de la production agricole mondiale.
- Une meilleure santé des sols réduit le besoin de fertilisants coûteux.
- Lutter biologiquement contre les parasites diminue les frais liés aux intrants chimiques.
De nombreuses réussites locales montrent que la biodiversité fonctionnelle peut être un véritable levier économique. Par exemple, certains agriculteurs en Dordogne ayant réintroduit des haies sur leurs exploitations ont vu une augmentation de 15 à 20 % de leurs rendements fruitiers en cinq ans.
S'inspirer de la nature, s’adapter à son terroir
La nature est une source inépuisable d’inspiration, et chaque terroir possède ses spécificités qu’il faut respecter. Favoriser la biodiversité fonctionnelle ne se fait pas avec une "recette universelle". Observez, testez, expérimentez. C'est ce que je m’efforce de faire dans ma propre ferme expérimentale : apprendre des échecs, optimiser les réussites. Plus qu’un engagement, le respect de la biodiversité fonctionnelle est une démarche durable pour produire mieux tout en préservant nos ressources.
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