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Les phénomènes climatiques extrêmes : un défi de taille pour l’agriculture moderne

30 mars 2025

Les impacts des phénomènes climatiques extrêmes sur les systèmes agricoles

1. Sécheresses : asphyxie des cultures et baisse des rendements

Les épisodes de sécheresse sont parmi les conséquences les plus courantes et destructrices du changement climatique. Selon l’organisation FAO, les sécheresses récentes dans le monde ont entraîné une cessation prolongée de la croissance des cultures sur environ 44 % des terres agricoles mondiales.

Ces périodes de stress hydrique affaiblissent les plantes en limitant leur assimilation des nutriments. Résultat, des rendements en forte baisse, même dans les régions historiquement fertiles. En France, par exemple, la sécheresse de 2022 a fait chuter la production de maïs de près de 30 % (FranceAgriMer).

2. Inondations : érosion des sols et destruction des plantations

À l’opposé des sécheresses, les inondations produisent des dégâts immédiats sur les cultures, en « noyant » les récoltes et en emportant une grande partie des couches superficielles des sols. Ces couches constituent pourtant la base de la fertilité des terres en abritant la majeure partie des nutriments et organismes vivants nécessaires aux plantes.

L’agriculture sur des plaines inondables ou proches de grands fleuves est particulièrement vulnérable. Sur ma propre ferme en Dordogne, les fortes pluies de l'hiver dernier ont emporté une partie des bords de nos haies nouvellement plantées, ce qui nous a rappelé l’importance des dispositifs naturels pour ralentir le ruissellement.

3. Canicules : dégâts sur les plantes et pertes animales

Les vagues de chaleur intenses, souvent accompagnées par des sécheresses, ont des conséquences immédiates et parfois irréversibles sur les plantes. Les canicules favorisent notamment la déshydratation rapide, le flétrissement et des brûlures du feuillage, en particulier pour les cultures sensibles comme la vigne ou le blé.

Dans l’élevage, ces événements extrêmes mettent également en danger le bétail. Sans migrer vers des zones ombragées ou sans accès suffisant à l’eau, les animaux subissent de graves coups de chaleur pouvant aller jusqu’à la mortalité. Une étude de l’Institut de l’Élevage (IDELE) rapporte que les bovins laitiers peuvent voir leur production de lait diminuer jusqu’à 20 % lors d’une canicule prolongée.

Des solutions agroécologiques pour s’adapter aux changements climatiques

1. Miser sur l’agroforesterie pour tamponner les extrêmes

Vous en avez sans doute entendu parler : l’agroforesterie est l’une des solutions les plus prometteuses face aux aléas climatiques. En intégrant des haies, des alignements d’arbres ou encore des bosquets au sein des exploitations, on peut créer de véritables infrastructures naturelles capables de jouer un rôle de « régulateurs climatiques ».

  • Les arbres agissent comme des brise-vents, limitant les dégâts causés par les tempêtes et ouragans.
  • Leur capacité à stocker de l’eau dans leurs racines améliore la rétention hydrique, essentielle en cas de sécheresse.
  • Lors des canicules, ils offrent des zones d’ombrage, réduisant le stress sur les animaux et les cultures.

Sur ma ferme, l’insertion de haies autour des parcelles a d’ailleurs permis de diminuer jusqu’à 25 % l’exposition au vent des arbres fruitiers, tout en attirant des pollinisateurs sauvages.

2. Diversifier les paysages et les cultures

La monoculture est sans conteste l’une des pratiques les plus exposées aux catastrophes climatiques. À l’inverse, la polyculture favorise la résilience, notamment en répartissant les risques. Diversifier les espèces cultivées permet d’assurer qu’une partie des récoltes résistera si certaines plantes succombent à un aléa spécifique.

Les légumineuses comme le trèfle ou les haricots, par exemple, se sont révélées particulièrement robustes face aux sécheresses et peuvent fixer naturellement l’azote, contribuant à la fertilité du sol. Les associations avec des cultures pérennes (comme les vignes ou les arbres fruitiers) permettent également un enracinement plus fort dans le sol, réduisant l’érosion durant les fortes pluies.

3. Concevoir des systèmes de gestion de l’eau performants

L’eau étant à la fois trop rare ou trop abondante, il est essentiel de repenser entièrement les infrastructures et systèmes d’irrigation existants. Dans un contexte de sous-utilisation, la récupération des eaux de pluie et la création de bassins d’écrêtement peuvent jouer un rôle salvateur.

Des techniques anciennes comme les baissières – des tranchées creusées en courbe de niveau pour ralentir le ruissellement et stocker l’eau dans le sol – offrent également des solutions économiques et peu coûteuses.

4. Favoriser la biodiversité fonctionnelle

Une biodiversité riche et variée peut jouer un rôle déterminant dans la lutte contre les effets des changements climatiques. Par exemple, la présence de plantes couvre-sol préserve l’humidité terrestre lors d’une sécheresse et limite également l’érosion après une pluie intense.

Je suis souvent surprise sur le terrain par la résilience naturelle qu’apportent ces solutions basées sur les écosystèmes. Une parcelle de ma ferme en Dordogne, où j’ai introduit du trèfle blanc en tant que plante de couverture, a résisté beaucoup mieux aux chaleurs de l’été dernier que celles laissées « nues » entre les cultures principales.

Vers une agriculture régénérative et proactive

Les solutions sont à portée de main, mais elles nécessitent une véritable transition de paradigme. Si les catastrophes climatiques mettent en lumière la fragilité de nos modèles actuels, elles doivent aussi être vues comme des occasions de réinventer la manière dont nous produisons notre alimentation.

L’agriculture peut s’inspirer des principes déjà observés dans la nature pour se doter d’outils flexibles, aptes à s’adapter aux défis de demain. De la conception de systèmes agroforestiers à la gestion optimisée des ressources en passant par la diversification des cultures et le soutien de la biodiversité, chaque acteur peut contribuer à consolider la résilience de nos paysages cultivés.

Finalement, comme le dit si bien un proverbe souvent évoqué dans la permaculture : « La meilleure solution se trouve sous le problème. » Les systèmes agricoles qui collaborent avec la nature et ses dynamiques ont toutes les chances de non seulement survivre, mais de prospérer face aux changements climatiques à venir.

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