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Repenser l’irrigation pour une agriculture durable : allier économies d’eau et performances agronomiques

17 mars 2025

L’urgence des pratiques économes : un besoin environnemental et économique

En France, 80 % de l’eau destinée à l’agriculture est utilisée pour l’irrigation (source : Ministère de la Transition écologique). Cette dépendance aux ressources hydriques pose un problème de taille dans le contexte du changement climatique. Les années 2022 et 2023 ont, par exemple, été marquées par des sécheresses historiques, ce qui a mis en difficulté de nombreux exploitants agricoles.

Cette pression grandissante sur l’eau implique non seulement des coûts parfois insoutenables pour les agriculteurs, mais aussi des impacts écologiques significatifs tels que l’assèchement des nappes phréatiques ou la dégradation des écosystèmes aquatiques. C’est pourquoi de nombreuses exploitations s’orientent désormais vers des techniques d’irrigation plus efficaces et des approches d’agriculture régénérative, capables de préserver chaque goutte d’eau.

Sur le terrain : quelles solutions pour économiser de l’eau ?

Différentes solutions, parfois combinées, permettent de réduire considérablement l’utilisation de l’eau tout en maintenant – voire en augmentant – les rendements. Voici les techniques les plus reconnues et leurs avantages :

1. L’irrigation goutte-à-goutte

Cette méthode est actuellement la plus performante en matière d’économies d’eau. Elle consiste en l’installation de tuyaux percés qui distribuent l’eau directement au pied des cultures, évitant ainsi un arrosage généralisé et limitant l’évaporation.

  • Avantages : Économie d’eau jusqu’à 60 % par rapport à une irrigation classique ; amélioration des rendements en ciblant précisément les besoins des plantes.
  • Exemple concret : Une étude menée en Espagne sur des plantations d’agrumes a démontré que cette technique réduisait l’usage d’eau de 45 % tout en augmentant la production de fruits de 20 %.

2. Les capteurs d’humidité du sol

Plutôt que d’arroser selon un calendrier fixe, certaines exploitations utilisent désormais des capteurs qui mesurent en temps réel le niveau d’humidité du sol. L’irrigation est alors déclenchée uniquement si nécessaire.

  • Pourquoi cette approche fonctionne : Elle optimise chaque irrigation, évitant ainsi le gaspillage. Un dispositif bien calibré peut réduire la consommation d’eau jusqu’à 30 %.
  • Défi : Le coût initial peut être élevé, notamment pour les petites exploitations, mais il est souvent rentabilisé en quelques années grâce aux économies réalisées sur l’eau.

3. Les paillis organiques et vivants

En agroforesterie et permaculture, la couverture permanente des sols est une pratique essentielle. Qu’il s’agisse de paillis organiques (paille, compost…) ou de couvre-sol vivant (trèfle, vesce…), leurs avantages en termes de gestion de l’eau sont nombreux.

  • Ils réduisent l’évaporation de l’eau du sol (jusqu’à 25 % selon l’FAO).
  • Ils améliorent l’infiltration de l’eau de pluie et réduisent le ruissellement.
  • Ils favorisent l’activité biologique du sol, créant des conditions idéales pour que les plantes développent des racines profondes, mieux à même d’aller chercher l’eau en profondeur.

Intégrer les techniques économes dans des systèmes résilients

Le lien entre gestion de l’eau et autres pratiques agricoles ne doit pas être négligé. L’irrigation, si efficace soit-elle, ne peut être vue comme une solution isolée. Voici comment elle s’inscrit dans une agriculture plus résiliente et durable :

1. Associer irrigation et agroforesterie

En combinant arbres et cultures, les systèmes agroforestiers favorisent le maintien de l’humidité dans les sols. Les arbres agissent comme des pare-vent, limitant l’évaporation, et leurs racines profondes aident à remonter l’eau des nappes phréatiques vers les couches supérieures.

De plus, la décomposition des feuilles tombées au sol crée une couche organique qui retient l’eau, augmentant la résilience des cultures aux épisodes de sécheresse.

2. Repenser les types de cultures

Le choix des cultures joue également un rôle clé dans les économies d’eau. Les plantes endémiques ou adaptées à des climats secs sont des alliées précieuses. Le sorgho, par exemple, consomme environ 30 % d’eau en moins que le maïs, tout en assurant des rendements élevés dans des conditions arides.

Sur ma ferme expérimentale, j’ai observé que les associations entre plantes demandant peu d’eau et celles favorisant la couverture du sol maximisent à elles seules les économies d’arrosage. Par exemple, l’association lentilles et orge a montré de très bons résultats.

Des exemples d’initiatives inspirantes

Certains projets, en France et ailleurs, méritent d’être cités pour leur exemplarité :

  • Le projet Life Rewat en Italie : Cette initiative, située en Toscane, vise à gérer durablement les ressources en eau dans la vallée du Cecina grâce à des techniques comme l’irrigation goutte-à-goutte et la recharge artificielle des nappes phréatiques.
  • La ferme L’Oasis de Serendip à Albi : Cette exploitation agroécologique utilise des techniques combinant récupération d’eau de pluie, paillage intensif et agroforesterie pour produire des fruits et légumes toute l’année avec une empreinte hydrique minimale.

Vers un futur où chaque goutte d’eau compte

Rendre l’agriculture moins dépendante de l’eau est une priorité. Mais c’est aussi une opportunité pour les agriculteurs de rester compétitifs dans un monde aux ressources limitées. Si l’adoption de ces méthodes nécessite parfois un investissement financier ou technique initial, les bénéfices à long terme, tant économiques qu’écologiques, ne sont plus à démontrer.

La transition vers des pratiques économes en eau appelle avant tout à repenser notre rapport à cette ressource, à s’inspirer des écosystèmes naturels et à intégrer ces savoirs dans nos modes de production. Parce que chaque goutte préservée aujourd’hui est une chance de plus pour une agriculture résiliente demain.

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