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Stocker du carbone dans les sols agricoles : une solution prometteuse face au changement climatique

15 mars 2025

Le stockage de carbone dans les sols : comment cela fonctionne-t-il ?

Le carbone dans les sols, souvent désigné sous le terme de "carbone organique du sol", est une composante clé des matières organiques. Il provient de la dégradation des résidus végétaux, des racines et des microorganismes. Ce processus naturel permet aux sols de constituer un véritable réservoir de carbone, en complément des puits de carbone que sont les forêts et les océans.

Ce mécanisme repose principalement sur la photosynthèse. Les plantes absorbent le dioxyde de carbone (CO₂) contenu dans l’atmosphère pour produire de l’énergie, et une partie de ce carbone est transférée dans le sol par les racines. De là, il est soit utilisé par les micro-organismes pour leur métabolisme, soit stabilisé dans le sol sous forme de carbone organique. C’est ainsi que le sol peut agir comme un "puits de carbone".

  • Le carbone labile : facilement accessible aux micro-organismes, il reste peu de temps dans le sol.
  • Le carbone stable : piégé sous forme de matière organique humifiée, il peut se maintenir dans le sol pendant des décennies, voire des siècles.

D’après le GIEC, les sols contiennent trois fois plus de carbone que l’atmosphère, ce qui leur confère un rôle clé dans la régulation des niveaux de CO₂ au niveau global.

Pourquoi les sols agricoles sont-ils dégradés ?

Malgré leur potentiel, les sols agricoles sont aujourd'hui souvent loin d’être des alliés dans la lutte contre le changement climatique. On estime que 30 % des sols mondiaux sont dégradés, selon la FAO. En cause : des pratiques agricoles intensives qui perturbent les cycles naturels du carbone.

Les facteurs fondamentaux de la dégradation

  • Le labour intensif : en retournant la terre, le labour oxygène les couches profondes du sol, ce qui accélère la décomposition de la matière organique et libère du CO₂ dans l’atmosphère.
  • L’usage excessif de pesticides et d’engrais chimiques : ces produits détruisent en partie la faune microbienne du sol, essentielle pour stabiliser le carbone.
  • Les monocultures : elles limitent la diversité végétale et appauvrissent le sol, réduisant ainsi la capacité du système agricole à "pomper" du carbone.
  • Le surpâturage : il expose les sols à l’érosion, entraînant une perte rapide de matière organique.

Cette tendance est d’autant plus préoccupante que chaque tonne de sol perdue ou dégradée est une opportunité manquée pour retirer du CO₂ de l’atmosphère.

Les leviers pour stocker davantage de carbone dans les sols agricoles

Heureusement, des pratiques agricoles prometteuses permettent non seulement de limiter la dégradation des sols, mais aussi d’augmenter leur capacité à stocker du carbone. Ces solutions reposent souvent sur un retour aux principes fondamentaux des écosystèmes naturels.

Adopter des systèmes agroforestiers

L’agroforesterie, qui combine arbres, cultures et parfois élevage, est l’une des solutions les plus efficaces pour améliorer le stockage de carbone. Les arbres captent le CO₂ grâce à leur biomasse, tandis que leurs racines stimulent la vie microbienne du sol. En Dordogne, dans ma ferme, j'ai observé une nette augmentation des taux de matière organique dans les parcelles agroforestières par rapport aux cultures traditionnelles.

Mettre en œuvre des cultures de couverture

Les cultures de couverture, comme les légumineuses ou les céréales fourragères, offrent une double fonctionnalité : éviter l’érosion des sols et enrichir leur réserve en carbone. Ces plantes capturent le CO₂ et le transforment en matière organique, enrichissant ainsi durablement la fertilité du sol.

Réduire ou bannir le labour

L’agriculture de conservation, qui limite le travail du sol, permet de maintenir une stabilité de la matière organique et de réduire les émissions de CO₂ liées aux dégradations trop rapides. Les semis directs sans labour, par exemple, sont de plus en plus adoptés en France avec des résultats probants.

Favoriser les matières organiques

Amender les sols avec du compost ou du fumier bien décomposé stimule directement la séquestration de carbone. Ces apports enrichissent non seulement le sol en carbone, mais dynamisent également l’activité biologique nécessaire au stockage.

Réintégrer les prairies dans les rotations

Les prairies, en particulier permanentes, ont un énorme potentiel de stockage. Leurs racines profondes permettent non seulement de stabiliser le sol, mais aussi d’augmenter significativement sa teneur en carbone.

Des chiffres prometteurs, mais des limites à dépasser

Selon l’initiative "4 pour 1000", lancée à la COP21, une augmentation annuelle de 0,4 % du stock de carbone des sols agricoles pourrait compenser une part significative des émissions mondiales de CO₂. C’est une ambition réaliste, mais qui soulève plusieurs défis.

  • La faisabilité économique : certaines pratiques, comme l’agroforesterie, demandent des investissements initiaux importants.
  • Les changements d’habitudes : de nombreux agriculteurs hésitent encore à modifier leurs pratiques, par crainte de perte de rendement à court terme.
  • Le climat : les périodes de sécheresse, de plus en plus fréquentes, peuvent limiter l’efficacité des solutions mises en place.

En France, on estime que les sols agricoles pourraient absorber jusqu’à 20 millions de tonnes de CO₂ par an, soit environ 5 % des émissions nationales globales. Cela montre l’ampleur du potentiel, mais rappelle que cela doit s’intégrer dans une stratégie plus large de réduction des émissions.

Une opportunité à saisir pour l’agriculture de demain

Aujourd’hui, les sols agricoles sont à la croisée des chemins : continuer sur un modèle productiviste qui épuise leur capacité ou devenir l’un des piliers d’une transition écologique réussie. La séquestration du carbone dans les sols n’est ni un mythe, ni une solution miracle, mais bien une voie réaliste et porteuse d’espoir. Si nous voulons relever ce défi, il faudra mobiliser des politiques publiques, encourager la recherche et surtout accompagner chaque agriculteur dans cette transition essentielle.

Pour ma part, en observant chaque jour les effets de l’agroforesterie sur ma ferme, je ne peux que confirmer l'incroyable potentiel de cette approche. Un sol vivant est plus qu’un support de culture : c’est un allié précieux contre le réchauffement climatique — il reste à nous de lui redonner la place qu’il mérite dans notre modèle agricole.

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