De la théorie à la pratique : paroles d’agriculteurs engagés
Qui mieux que les agriculteurs eux-mêmes pour raconter ce cheminement, souvent semé d’embûches mais profondément porteur de sens ? Voici trois retours d’expériences, chacun ancré dans un terroir et des défis spécifiques.
Alexandre et Manon, céréaliers et éleveurs en Charente-Maritime
Sur leur ferme de 120 hectares, qui combine cultures céréalières et élevage, Alexandre et Manon ont initié une transition progressive vers l’agroécologie il y a 8 ans. Leur déclic ? L’érosion accélérée de leurs sols suite aux tempêtes hivernales successives.

"Notre domaine se trouve sur un plateau argilo-calcaire vulnérable dès qu’on laboure excessivement. Chaque printemps, on retrouvait la terre de nos champs dans les fossés", raconte Alexandre. En introduisant des haies champêtres et des bandes enherbées, puis en expérimentant la couverture permanente du sol, ils ont réduit de 60 % les pertes en sol superficiel en à peine quatre ans.
Leur astuce clé : au-delà des couvertures classiques (moutardes, phacélies), le couple a introduit des légumineuses vivaces comme le trèfle pour associer fixation d’azote et lutte contre l’érosion. Côté rendement, les résultats sont impressionnants : une baisse modérée sur les trois premières années, puis un retour à des niveaux initialement enregistrés avant la transition.
Fatimata, maraîchère en milieu urbain à Toulouse
Fatimata, d’origine malienne, cultive moins d’un hectare en plein Toulouse, au cœur d’une expérimentation d’agriculture urbaine biologique. Pour elle, l’agroécologie rime avec solidarité et transmission.
"J’ai voulu retrouver des racines et en créer de nouvelles, pour reconnecter le quartier aux questions alimentaires." Elle privilégie la technique du paillage épais combinée à des couches de compost artisanal, dans une approche calquée sur la permaculture tropicale que connaissaient ses grands-parents au Mali. Tous les semis sont faits à la main pour une qualité optimale.
Son plus grand défi actuel : gérer les pics de chaleur estivaux et faire face à une demande locale exponentielle. Ses partenaires l’aident à construire des ombrières végétalisées entre les parcelles pour abaisser les températures dans le cadre d’un projet participatif mené avec des bénévoles du quartier.
Benoît, vigneron en biodynamie dans le Languedoc
Benoît gère un domaine viticole familial de 25 hectares, qu’il a converti à la biodynamie en 2015. Comme il le reconnaît lui-même, ses débuts furent "un saut dans le vide".
"Avant la biodynamie, travailler nos sols rigoureusement nous semblait une évidence. Aujourd’hui, tout, absolument tout, passe par l’observation des cycles lunaires et les traitements naturels." Il applique des préparations à base de silice et de fumier composté pour renforcer à la fois les vignes et leur environnement immédiat.
Un des bénéfices inattendus : le retour massif de faune sur les parcelles. Rougequeue, reptiles et pollinisateurs sont désormais omniprésents, contribuant à un équilibre écologique qui protège naturellement contre certains ravageurs comme les vers de grappe.