Premiers pas pour une agriculture régénérative : guide pratique pour s’engager

Qu’est-ce que l’agriculture régénérative ?

L’agriculture régénérative repose sur l’idée que nos systèmes agricoles doivent non seulement limiter leur impact négatif sur les écosystèmes, mais aussi jouer un rôle actif dans leur régénération. Elle met l’accent sur des pratiques qui améliorent la santé des sols, protègent la biodiversité et captent le carbone atmosphérique.

Quelques grandes pratiques sont souvent mises en avant :

• Couverture permanente des sols pour limiter l’érosion et favoriser la vie microbienne.
• Pas ou peu de travail du sol afin de préserver la structure naturelle et les réseaux racinaires.
• Rotations et associations de cultures pour briser les cycles de maladies et enrichir les sols.
• Introduction d’arbres ou d’éléments naturels dans les parcelles agricoles (agroforesterie).
• Integration de l’élevage, avec des rotations de pâturage pour imiter les migrations naturelles d’herbivores.

Mais la question que se posent souvent les agriculteurs est : comment amorcer ce virage ?

Étape 1 : évaluer son exploitation et définir ses objectifs

Avant tout, une transition commence par une analyse honnête de son exploitation actuelle. Connaissez-vous l’état de vos sols ? Quelles sont les contraintes spécifiques de votre terroir, de votre climat ou de votre environnement économique ?

Pour cela, il est important de :

1. Faire un diagnostic de vos sols : Analyses chimiques et biologiques (carbonates, matière organique, activité microbienne…). Certaines grandes organisations proposent des protocoles de diagnostic, comme le Global Carbon Project.
2. Observer la biodiversité : Faites un inventaire de la faune et de la flore présentes, et évaluez les corridors écologiques autour de votre exploitation.
3. Identifier vos objectifs : Souhaitez-vous améliorer la fertilité ? Réduire vos intrants (engrais, phytosanitaires) ? Gérer plus efficacement l’eau en période de sécheresse ? Établir des priorités vous aidera à élaborer un plan d’action réaliste.

Étape 2 : commencer par une parcelle pilote

La transition ne signifie pas tout changer d’un coup. Bien au contraire, travailler sur une parcelle test permet d’expérimenter, de tester de nouvelles techniques sans mettre en péril l’ensemble de votre activité.

Voici quelques idées à explorer sur une telle parcelle :

• Installer des cultures de couverture ou utiliser des mélanges multi-espèces pour enrichir les sols en divers minéraux et éléments organiques.
• Planter une haie diversifiée ou expérimenter une bande agroforestière.
• Tester le pâturage tournant avec un petit cheptel sur des prairies naturelles.

Les résultats d’une parcelle pilote offrent des retours très concrets sur l’efficacité des techniques choisies et permettent d’ajuster les pratiques avant de les généraliser.

Étape 3 : favoriser les partenariats et la formation

La transition vers l’agriculture régénérative ne peut pas se faire isolément. Trouvez des partenaires ou intégrez des réseaux d’agriculteurs partageant la même vision.

Voici quelques ressources utiles :

• Les GIEE (Groupements d’intérêt économique et environnemental), qui regroupent des agriculteurs autour de projets agroécologiques.
• Des formations spécialisées proposées par des organismes comme l’Association Française d’Agroforesterie ou des instituts techniques.
• Des projets de recherche participatifs : Ceux-ci permettent de bénéficier de données scientifiques tout en contribuant à leur élaboration.

L’accès à des informations techniques, mais aussi l’accompagnement humain, sont clés pour comprendre les subtilités d’une nouvelle pratique et la rendre viable sur le terrain.

Étape 4 : mesurer et documenter les progrès

Adopter une approche régénérative demande de la patience et de la persévérance. Les résultats écologiques, tels que l’amélioration de la santé des sols ou le retour d’une faune particulière, peuvent mettre plusieurs années à se manifester. D’où l’importance de mesurer les progrès.

Voici quelques indicateurs à suivre :

• Augmentation des niveaux de matière organique dans le sol.
• Réduction de l’usage d’engrais de synthèse ou de produits phytosanitaires.
• Résilience face aux événements climatiques extrêmes (sécheresses, inondations).
• Amélioration des rendements sur le moyen ou long terme.
• Retours des auxiliaires de culture (abeilles, coccinelles, vers de terre, etc.).

Pensez également à documenter ces avancées. Tenir un journal de bord ou des fiches techniques peut non seulement vous guider, mais aussi inspirer d'autres agriculteurs ou répondre à des financeurs potentiels.

Les obstacles à anticiper

Changer de modèle agricole n’est pas sans défis. Parmi les obstacles les plus courants :

• Coût initial élevé : Les investissements en matériel ou en plantation (par exemple pour l’agroforesterie) peuvent être conséquents.
• Manque de connaissances : La régénération des sols est encore une science relativement jeune avec des méthodes parfois empiriques.
• Incompatibilité avec le cadre réglementaire : Certaines subventions ou normes agricoles ne prennent pas toujours en compte les pratiques alternatives.

Cela ne doit pas décourager, mais ces réalités doivent être anticipées pour éviter les blocages. Des aides financières existent en France, comme celles de la ADEME ou des programmes régionaux axés sur l’agriculture durable.

Vers une agriculture régénérative généralisée

L’agriculture régénérative est bien plus qu’une tendance : c’est une voie incontournable pour répondre à l’urgence climatique et aux attentes sociétales d’une alimentation plus respectueuse de l’environnement. En adoptant une démarche progressive, centrée sur l’apprentissage et l’adaptation, chaque exploitant agricole peut jouer un rôle déterminant dans cette transition.

Mettre les sols, les arbres, la biodiversité et les hommes au centre des systèmes agricoles constitue une révolution douce mais essentielle. Et chaque étape, aussi petite soit-elle, contribue à bâtir un avenir agricole plus résilient. Pourquoi ne pas commencer dès aujourd’hui ?