Vers une agriculture sans labour : des solutions durables pour nos sols
31 janvier 2025
Les impacts du labour intensif sur les sols
Au premier abord, labourer semble bénéfique : la terre est aérée, les mauvaises herbes éliminées, et les résidus incorporés. Cependant, les conséquences négatives sur le long terme sont préoccupantes :
- Erosion accrue : en retournant les couches superficielles du sol, le labour expose les particules fines et organiques aux aléas climatiques, entraînant un balayage par le vent ou des pluies.
- Diminution de la matière organique : enfouir les matières organiques favorise leur oxydation rapide, ce qui diminue leur quantité dans le sol sur le long terme.
- Compactage des couches profondes : les outils utilisés comprimant la sous-surface freinent les échanges gazeux et hydriques, fragilisant ainsi les racines.
- Perte de biodiversité : les communautés de micro-organismes et d’invertébrés du sol, essentiels à la fertilité, sont perturbées par le frétillement incessant des outils mécaniques.
À mesure que les sols s’appauvrissent, il devient nécessaire de repenser le mode de travail des terres... en évitant, autant que possible, de les retourner.
Les alternatives au labour : repenser l’agriculture
Heureusement, une agriculture sans labour n’est pas une utopie : plusieurs pratiques se révèlent particulièrement adaptées pour préserver et même régénérer nos sols. Voici celles qui se détachent comme des piliers d’une approche durable.
Le semis direct sous couvert végétal
C’est l’une des techniques phares de l’agriculture de conservation. Elle repose sur un principe simple : ne jamais laisser les sols nus. Après une récolte, des couverts végétaux (mélanges de graminées, légumineuses, crucifères, etc.) sont semés pour protéger le sol.
Les avantages sont multiples :
- Protection contre l’érosion : les cultures de couverture agissent comme un bouclier en protégeant la surface des vents et de la pluie.
- Aération naturelle du sol : les racines des couverts végétaux, en pourrissant, offrent des canaux d’infiltration pour l’eau et l’air.
- Fixation d’azote : certaines légumineuses (trèfle, vesce, luzerne) enrichissent naturellement les sols.
Plutôt que de détruire mécaniquement ces couverts, des techniques comme le rouleau crabe permettent d'écraser les végétaux en place, formant un paillage naturel qui nourrit le sol tout en servant de barrières aux adventices.
Le non-labour ou strip-till
Dans cette alternative, seules des bandes étroites du sol sont travaillées, là où la graine ou le plant sera déposé. Le reste du sol est laissé intact, et les anciennes cultures ou couverts végétaux servent de protection naturelle.
Pour les grandes cultures comme le maïs ou blé, des outils de strip-till sont particulièrement efficaces. Cette approche réduit les apports d'énergie (car moins de carburant pour les tracteurs) tout en maintenant la qualité structurale des sols non dérangés.
L’agroforesterie : une stratégie complémentaire
On ne le rappellera jamais assez : inclure des arbres dans les systèmes agricoles peut transformer un sol fatigué en terre pleine de vie. Les racines des arbres enrichissent la structure du sol en profondeur, retiennent l’eau et limitent les risques d'érosion.
Des études montrent qu’en associant haies, alignements d’arbres ou parcelles agroforestières à leurs cultures de manière réfléchie et adaptée au territoire, les agriculteurs enregistrent des rendements stables, une meilleure résilience face aux aléas climatiques et une biodiversité accrue. Une des essences souvent privilégiées ? Le noyer, à la fois pour son bois de qualité et ses fruits.
Le paillage organique
Le paillage, technique utilisée depuis des siècles, consiste à recouvrir le sol de matières organiques (paille, foin, broyat de bois, déchets verts, etc.). Non seulement il limite l’évaporation de l’eau et maintient une température plus stable, mais il nourrit aussi la vie du sol en se décomposant progressivement.
C’est une solution idéale pour le maraîchage, comme le met en lumière la ferme de la Caleine en Ardèche, dont les pratiques s'inspirent largement de l’approche permacole, en limitant drastiquement les interventions mécaniques sur la terre.
Le jardin-forêt pour les petites surfaces
Destiné principalement aux espaces à taille humaine, le jardin-forêt reproduit le fonctionnement naturel des écosystèmes forestiers. Les différentes couches de végétation, du couvre-sol aux arbres de grand développement, permettent d'optimiser l’occupation de l’espace tout en régénérant les sols. La forêt devient prolifique en fournissant légumes, fruits, fleurs comestibles, bois et même plantes médicinales, sans aucun recours au labour.
Études scientifiques et résultats concrets
L’agriculture sans labour s’appuie sur des résultats prometteurs issus de recherches internationales :
- Erosion réduite de 80 % : Selon une publication de l’INRAE (2020), le semis direct sous couvert végétal divise par cinq les pertes de terre arable dues à l’érosion.
- Augmentation de la matière organique : dans les sols adoptant des techniques sans labour, le taux de matières organiques remonte en moyenne de 0,1 % à 0,2 % par an, un chiffre encourageant pour des terres dégradées.
- Diversité biologique accrue : Les parcelles en agriculture de conservation présentent une augmentation de 30 à 50 % de la biomasse microbienne par rapport au labour conventionnel (FAO, 2018).
Bien que ces chiffres soient prometteurs, il convient de s’adapter aux spécificités locales. Le climat, la texture du sol ou encore l’équipement à disposition influencent les résultats obtenus.
Changer de paradigme : un défi collectif
Adopter une agriculture sans labour, c’est avant tout accepter de laisser davantage de place aux cycles naturels. Si les agriculteurs en sont les acteurs principaux, les consommateurs ont aussi un rôle à jouer en soutenant et valorisant ces pratiques par leurs choix alimentaires.
Privilégier les produits locaux, bio ou issus de fermes agroécologiques contribue à renforcer cette transition. Une chose est sûre : cultiver sans labour est davantage qu’une question technique. C'est une volonté d’agir pour la préservation de nos terres, et celle des générations futures.
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