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Comment réduire les émissions de gaz à effet de serre en élevage ?

1 mars 2025

Pourquoi l’élevage est-il une source majeure de gaz à effet de serre ?

À l'échelle mondiale, l'élevage représente environ 14,5 % des émissions de GES selon l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO). Voici les trois principales sources :

  • Le méthane (CH) : produit par la fermentation entérique des ruminants (vaches, moutons, chèvres) lors de la digestion de l’herbe et des aliments riches en fibres. Ce gaz est 28 fois plus puissant que le dioxyde de carbone (CO) en termes de potentiel de réchauffement climatique.
  • Le protoxyde d’azote (NO) : issu de la gestion des sols et des déjections animales. Il est un gaz 265 fois plus puissant que le CO.
  • Le CO : émis indirectement par la déforestation pour créer des pâturages, la combustion des carburants fossiles pour la fabrication d'engrais et le transport des denrées alimentaires.

Pour répondre à ces défis majeurs, plusieurs solutions émergent, combinant innovations techniques, régulations alimentaires et gestion écosystémique.

1. Modifier l’alimentation des animaux

L’un des leviers les plus prometteurs pour réduire les émissions de méthane est d’optimiser la ration alimentaire donnée aux animaux. Voici quelques stratégies :

Suppléments alimentaires

Certains additifs et suppléments, comme les algues rouges (), ont démontré une réduction significative des émissions de méthane entérique chez les ruminants. Plusieurs études, notamment celle de l’Université de Californie, ont montré une baisse allant jusqu'à 80 % des émissions de méthane lorsque cette algue est ajoutée à la ration des bêtes.

Amélioration des rations

Introduire des aliments plus digestibles, riches en amidon ou en graisses, peut également réduire les émissions de méthane. Les légumineuses fourragères, comme la luzerne et le trèfle, non seulement enrichissent le sol grâce à leur capacité à fixer l’azote atmosphérique, mais elles sont aussi de meilleures alternatives nutritionnelles pour les animaux.

Microbiote intestinal

Des recherches se penchent sur le rôle du microbiote intestinal des ruminants pour optimiser leur digestion et limiter la production de méthane. La sélection génétique d’animaux produisant naturellement moins de méthane est également une piste prometteuse.

2. Repenser la gestion des déjections animales

La gestion des effluents d’élevage est cruciale pour réduire les émissions de méthane et de protoxyde d'azote. Voici quelques solutions :

Valorisation par la méthanisation

La méthanisation permet de transformer les déjections animales en biogaz, une source d’énergie renouvelable, et en digestat, un fertilisant organique. Ce procédé réduit efficacement les émissions de méthane issues des lisiers et fumier tout en valorisant les déchets. En 2022, la France comptait plus de 1 200 unités de méthanisation agricole, en forte croissance ces dernières années.

Compostage optimisé

Le compostage aéré des déjections minimise la production de méthane comparé au stockage en conditions anaérobies. En ajoutant des matières carbonées comme la paille, on peut limiter la volatilisation du protoxyde d’azote.

Épandage raisonné

L'épandage d’engrais organiques, réalisé selon les besoins des cultures et les périodes adéquates, permet de limiter les pertes en NO. L'intégration de cultures dites "pièges à nitrate" en intercultures améliore encore la rétention des nutriments dans le sol.

3. Intégrer l’agroforesterie dans les pâturages

Dans ma ferme expérimentale, je teste depuis plusieurs années l’agroforesterie en prairie. Cette méthode associe les arbres aux pâturages pour obtenir des bénéfices doubles : stockage de carbone et amélioration des parcours pour les animaux.

  • Stockage de carbone : Les arbres et haies captent le CO atmosphérique et le stockent dans leur biomasse et dans les sols. Certains modèles montrent qu’un système agroforestier peut compenser entre 20 et 50 % des émissions des prairies.
  • Amélioration des pâtures : Les arbres fournissent de l'ombre et freinent l'évaporation de l'eau, permettant un pâturage durable même en période de sécheresse.
  • Restauration de la biodiversité : La présence d’arbres favorise la biodiversité et régule les populations d’insectes nuisibles.

Un exemple inspirant est celui des systèmes sylvopastoraux en Espagne et au Portugal — les — où l’élevage bovin est intégré à des chênaies, combinant culture, biodiversité et élevage de manière durable.

4. Innover par l’agriculture de précision et la technologie

Les innovations techniques ouvrent de nouvelles perspectives pour réduire les émissions :

  • Outils de monitoring : Les capteurs connectés permettent de surveiller les parcours des animaux, leur ingestion de nourriture ou encore leur production de méthane. Ces technologies favorisent une gestion optimisée et évitent le gaspillage.
  • Cultures spécifiques pour stockage de carbone : Les couverts végétaux à croissance rapide, comme la luzerne ou le sorgho, jouent un rôle dans la séquestration du carbone.
  • Optimisation génétique : Les avancées en sélection génétique permettent d’obtenir des lignées produisant moins de méthane ou plus résistantes aux maladies.

5. Soutenir les agriculteurs et favoriser les circuits courts

La transition ne peut se faire sans politiques d’accompagnement. Les subventions pour la conversion des exploitations agricoles vers des pratiques durables, comme l’agroécologie ou la permaculture, sont essentielles. De la même manière, le développement des circuits courts peut réduire les émissions liées au transport et encourager une rémunération plus équitable pour les éleveurs, les incitant à adopter des pratiques innovantes.

Un avenir pour l’élevage et le climat

Réduire les émissions de GES en élevage est un défi immense, mais les solutions sont multiples et accessibles pour peu que nous combinions techniques, éducation et accompagnements adaptés. En testant ces pratiques sur ma ferme, j’ai pu constater que des changements progressifs, bien planifiés, entraînent des bénéfices significatifs, non seulement pour l’environnement, mais aussi pour la résilience des sols et la qualité des produits issus de l’élevage.

N’oublions pas que chaque action compte : promouvoir une alimentation locale et raisonnée, soutenir les agriculteurs engagés dans la transition écologique et investir dans la recherche, c’est aussi être un acteur de cette évolution pour un modèle agricole plus durable.

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